On ne se faisait pas trop d’illusions sur l’aboutissement des négociations entre le ministère de l’Education et la partie syndicale représentée par la Fédération générale de l’enseignement de base. La séance de travail tenue ce mardi n’a rien donné. En dépit des propositions conséquentes (notamment dans cette conjoncture) des autorités, la position syndicale n’a pas bougé d’un iota.
Les deux parties se sont séparées sur un nouveau désaccord qui ne manquera pas d’impacter le reste de l’année scolaire 2022-2023. Les négociateurs avaient devant eux une tâche ardue voire une mission impossible. Dans nos articles précédents, nous n’avons cessé de démontrer que les revendications de la Fgeb étaient impossibles à satisfaire, du moins dans les conditions actuelles et avec les exigences par trop ambitieuses des syndicalistes.
Dès le départ, la barre a été placée haut. Pour des raisons qui ne regardent que la Fgeb, la satisfaction des demandes (toutes les demandes) était un préalable.
Trois propositions raisonnables
Aucune autre issue n’était, donc, envisageable. C’est pourquoi il n’y avait aucune raison d’être optimiste quant aux résultats des pourparlers de mardi 18 octobre. Le ministère de l’Education avait beau faire des efforts, la Fgeb a jugé que tout ce qui a été proposé reste en deçà de ce que le secteur attend. Aussi, a-t-elle refusé en bloc les trois principales propositions visant à trouver des solutions au blocage des cours et à la suspension du travail des enseignants concernés par le litige entre le ministère et cette structure syndicale.
Notons, justement, que le ministère de l’Education avait suggéré de régulariser la situation des 2.326 diplômés en licence appliquée de l’éducation et de l’enseignement (promotion 2021) dans le grade de professeur des écoles primaires. Exactement comme cela a été fait pour les autres promotions de 2019-2020.
Dans un deuxième temps, il a été proposé de régulariser la situation des 4.141 suppléants (promotion 2022) en les embauchant comme contractuels jusqu’au recrutement d’ici 4 ans. La dernière proposition concerne la régularisation de la situation des 2.272 diplômés en sciences appliquées de l’éducation (promotion 2022) en les recrutant comme contractuels durant 12 mois à l’instar de ce qui a été fait pour les promotions de 2019, 2020 et 2021 en attendant leur recrutement en tant que professeurs des écoles primaires stagiaires au cours de la prochaine saison scolaire.
Jusqu’à présent, on estime le nombre d’élèves privés de cours entre 300.000 et 400.000 selon certaines sources. Le ministère, lui, parle de 120.000. Mais quel que soit ce chiffre, les parents ont le droit de se faire entendre, car le conflit les concerne plus que tout autre. Il ne s’agit pas d’un règlement de compte entre des autorités et des parties syndicales seulement, c’est, aussi, un drame pour toutes les familles tunisiennes et pour l’école.
On oublie, toujours, l’autre partie prenante dans ces bras de fer qui sont devenus très récurrents depuis une dizaine d’années. Les différents syndicats montent au créneau pour un “oui” ou pour un “non” et recourent immédiatement à la méthode brutale qui consiste à priver les élèves de leur droit universel à l’enseignement. Quelle que soit, aussi, la légitimité des demandes, il est inacceptable de porter atteinte à ce droit. C’est d’autant plus grave que ces agissements surviennent plusieurs fois dans le parcours des élèves. L’accumulation, sur plusieurs années, de ces perturbations se répercute sur le niveau des apprenants et sur tout le système éducatif public.
On sacrifie des millions d’élèves pour des intérêts corporatistes étroits. On ne peut, alors, s’empêcher de s’interroger sur le degré de responsabilité des décisions hasardeuses qui sont prises et qui ne se caractérisent par aucune souplesse ni par aucun esprit de compromis.
La balle est dans le camp des enseignants
D’ailleurs, quand on examine les propositions mises sur la table par le ministère de l’Education, force est de constater qu’il s’agit d’un sacrifice appréciable au vu des difficultés économiques et financières du moment. N’importe quel observateur les qualifierait de courageuses et de relativement satisfaisantes. Pourquoi alors ce refus catégorique si ce n’est la volonté de continuer à maintenir ce climat de tension et de pression sur toute la politique éducative du pays ?
Il est du devoir de tout un chacun d’entre nous d’exiger que le conflit en cours cesse et que l’on se comporte de façon plus responsable. Car, justement, chaque Tunisien est concerné par les répercussions néfastes de cette épreuve de force entre les deux protagonistes. La société civile responsable; les familles, les autres organisations qui s’activent dans les domaines de l’éducation et de l’enseignement sont invitées à dire leur mot et à jouer le rôle d’arbitre entre les deux parties.
Ce qui nous attend semble encore plus grave. La Fgeb ne s’en cache pas. Elle se dirige vers l’escalade selon les déclarations de ses différents responsables. Les mouvements déclenchés depuis le début de la rentrée scolaire vont se poursuivre. Pour le premier trimestre, il n’y aura pas de remise des notes à l’administration et, par conséquent, pas de conseils des classes.
Pour le deuxième trimestre, ce sera encore pire. La menace de boycott des examens est bien réelle. Comme si les élèves avaient cours pour être évalués sur quoi que ce soit ! Le danger d’une année blanche pour plusieurs milliers d’élèves plane.
De son côté, le ministère a lancé un appel sous forme de menace voilée aux enseignants qui suivent ces mouvements de boycott pour rejoindre leurs postes de travail et régulariser leur situation vis-à-vis de leurs établissements respectifs.
Autrement dit, les autorités seraient dans l’obligation d’appliquer la loi. Il y va de l’intérêt des enseignants engagés dans ces mouvements de protestation de bien évaluer le pour et le contre. A eux de décider s’ils vont suivre la devise qui dit « demande et exige » ou l’autre qui ne conduit nulle part « le tout ou rien » !